Il y a, dans le paysage sportif tchadien, des trônes qui ne se vident jamais. Des présidents qui durent plus que les carrières d’athlètes. Des visages qui reviennent, mandat après mandat, comme si le sport avait fait vœu de fidélité éternelle à ceux qui le dirigent. Il ne s’agit plus de passion, encore moins d’utilité. Il s’agit de pouvoir. Et de la peur de le lâcher.

Au Tchad, certaines fédérations sportives ressemblent à des maisons sans porte, on y entre mais on refuse de sortir. Prenons le cas de la fédération tchadienne de judo ; depuis 2006, Me Abakar Djermah Aumi en est le président. Dix-neuf ans à la tête d’une même fédération. Presque vingt ans d’exercice sans interruption, sans alternance. Et pourtant, dans cette durée impressionnante, peu de débats, peu de contradictions, encore moins de tentatives de relève. La présidence devient une seconde peau ; le poste, un prolongement de l’identité.

Mais ce cas n’est pas isolé. Il est le reflet d’un système plus vaste, d’une culture de l’éternité dans les structures sportives, où la notion de mandat ressemble davantage à une formalité qu’à un cycle. Où l’on confond stabilité et stagnation. Où l’on se rassure de durer, même si les résultats ne suivent pas.

De l’avis de certaines personnes ressources, cette longévité se justifie souvent par l’expérience, la maîtrise des réseaux, le dévouement. Mais à quoi sert une présence continue si elle ne permet pas l’émergence d’autres compétences, d’autres visions, d’autres ambitions ? À force de tourner en rond autour des mêmes figures, le sport tchadien perd son élan, ses voix, sa fraîcheur. Et surtout : il décourage sa jeunesse. Dans quel sport sérieux peut-on rester 15, 20, parfois 25 ans à la tête d’une instance sans provoquer un seul choc démocratique ? Le sport est mouvement. Le diriger exige de savoir avancer mais aussi de savoir s’effacer.

Ce n’est pas une question de personne, moins encore un procès mais un appel au sursaut. Il est temps de penser autrement la gouvernance sportive. De limiter les mandats, d’introduire de vraies règles d’alternance, de redonner aux structures leur vitalité. Le renouvellement ne doit pas être un drame, mais une norme. La relève ne doit pas être une menace, mais une continuité.

Le pouvoir dans le sport n’est pas un héritage, ni un refuge. Il est un engagement temporaire au service du collectif. Rester trop longtemps, c’est risquer de confisquer ce qui ne nous appartient pas. Et dans un pays jeune, assoiffé de justice, d’opportunité et de progrès, le changement n’est plus une option : c’est une urgence.

Gaëlle ELSOU