Après une participation de figuration aux Jeux Olympique de Tokyo, quel bilan le Tchad tire-t-il ? Et surtout quels lendemains nos instances souhaitent-elles proposer pour que le développement du sport ne soit plus une chimère ?

Les XXXIIèmes olympiades se sont clôturées ce dimanche 8 août 2021 à Tokyo. Durant deux semaines (du 23 juillet au 8 août), 11 090 athlètes (nombre d’inscrits) venant de 206 pays (ou fédérations) se sont affrontés dans 339 compétitions sur 43 sites lors de cette 29ème édition du plus grand événement sportif et médiatique du monde. Ces chiffres donnent un aperçu de l’importance et de la densité de qualité, de talents et d’envie qu’il y a aux jeux olympiques. Dans ces hautes sphères de la compétition et de la performance, le Tchad avait trois représentants.

Qui sont-ils ?

Qu’ont-ils fait durant cette quinzaine dans une dimension qui n’était pas forcément la leur ?

Quels ont été leurs résultats ?

Et surtout quel bilan tirer de cette participation ?

Qui sont nos trois représentants ?

La délégation tchadienne qui s’est rendue à Tokyo comptait trois sportifs. Deux femmes et un homme.

                                    Marlys Hortou – Tir à l’arc (Ph/Reuters – Tokyo 2021)

Marlyse Hourtou (25 ans) était engagée dans 2 épreuves de Tir à l’arc

Vendredi 23 juillet 2021

Dans le 70 mètres -72 flèches : elle termine 64è sur 64 avec un score de 553 points. (Record du monde : 692 points).

Jeudi 29 juillet 2021

Dans le duel : Elle s’incline 6-2 au 1er tour contre la Coréenne San An

                                            Memneloum Demos – Tokyo 2021 (Ph/JO)

Demos Memneloum (27 ans) était engagée en judo dans la catégorie des -70kg

Mercredi 28 juillet 2021

Elle s’est inclinée au premier tour par Ippon (soit un 10-0) contre l’Ouzbèke Gulnoza Matniyazova.

Mahamat Bachir – Tokyo 2021 (Ph/ COST)

Béchir Mahamat (24 ans) était engagé en athlétisme sur le 400m.

Dimanche 1er août 2021

Il a terminé 8ème sur 8 dans sa série du 1er tour en 47’’93 (record du monde : 43’’03). Il a malgré tout réalisé son meilleur chrono de la saison.

« On ne nourrit pas le coq le jour du marché »

Quelles leçons tirer de ces participations ?

Les miracles n’existent dans le sport de haut niveau (ou si rarement). Cela pour dire que les départs de Marlys Hourtou, Demos memneloum et Béchir Mahamat pour la capitale japonaise répond plus à la devise des Jeux qu’à des velléités quelconques de défendre les couleurs du Tchad sur le ‘’pitch’’ ou encore de remporter la moindre médaille. Et que dit la devise du CIO (Comité international olympique) ? « L’essentiel est de participer ».

Si l’on arrête l’analyse à ce stade, il n’y a plus rien à rajouter… si ce n’est écouter nos trois sportifs raconter leurs aventures dans le village et partager avec nous cette expérience unique dont rêve chaque athlète.

Une stratégie temps, détection et partenariats techniques

Le Tchad, les Tchadiens et notre chauvinisme exacerbé ne peuvent décemment pas se contenter de faire de la figuration. Mais malheureusement nous ne nous donnons pas les moyens d’obtenir mieux. Car « On ne nourrit pas le coq le jour du marché ».

Faute de moyens pour du développement et une structuration du sport (je n’oserais pas dire de haut niveau), il faut que nous fassions marcher nos neurones et être imaginatifs. Cela signifie planifier le décollage d’un sport de compétition dans une dizaine d’années et non croire que l’on peut tout révolutionner dans un laps de temps qui nous arrange. Faire preuve d’ingéniosité pour nous développer dans un domaine où nous accusons 121 ans de retard. Je m’explique : le meilleur de la carrière de Béchir Mahamat est moins bon que le premier chrono enregistré dans l’histoire des 400 mètres en athlétisme. Le 29 septembre 1900 à New York, l’Américain Mark Long a couru le tour de piste en 47 secondes et 8 centièmes. Presque 121 ans après, notre meilleur représentant dans la discipline a couru à Tokyo la même distance en 47 secondes et 9 centièmes.

Pour combler ce gap qui semble inexorable, il nous faudra, à défaut donc d’argent et de structures, soit attendre le Lionel Messi du sprint ou alors se focaliser sur nos qualités pour parvenir à glaner des victoires, ou à défaut des finales olympiques ou mondiales.

Un talent comme celui de Kaltouma Nadjina (qui si elle était dans un centre d’entraînement aux États-Unis lui aurait permis de faire plus – finale olympique et mondiale au moins -), est rare.

La détection

Le Kenyan est le premier pays africain sur le tableau des médailles (19ème) de la quinzaine tokyoïte. Le pays de Kipchogué Keino (1er médaillé d’or kenyan aux JO de 1968) a remporté 4 médailles d’or, 4 médailles d’argent et 2 médailles de bronze.

Ces médailles se répartissent comme suit :

  • Or

Marathon femmes

Marathon hommes

1 500 m femmes

8 00 m hommes

  • Argent

Marathon femmes

Marathon hommes

1 500 m femmes

8 00 m hommes

  • Bronze

3 000 m steeple femmes

3 000 m steeple hommes

Le fond et le demi-fond sont les disciplines dans lesquelles les Kenyans gagnent. Et ce pour la simple et seule raison qu’ils ont des aptitudes naturelles et un environnement propice au développement des qualités nécessaires pour exceller ; ceci leur donne une avance indéniable sur leurs concurrents hors Afrique de l’est.

A l’instar du Kenya, il faut que nous fassions de la détection en fonction de nos aptitudes naturelles. Par conséquent, les instances en charge du développement du sport doivent investir dans un ‘’scouting’’ de qualité en allant chercher les talents là où ils sont, leur donner l’envie de se perfectionner et non plus se contenter d’accompagner ceux qui souhaitent pratiquer tel ou tel sport.

Le temps

La stratégie adoptée en France dans le football à la fin des années 1980 est un exemple de travail mener à long terme… et qui a porté ses fruits.

17 mai 1987, Michel Platini (et quelque temps après les autres membres de la génération dorée du carré magique) prend sa retraite. Le foot français entame une traversée du désert qui durera jusqu’en 1998 et la génération Zidane. En 1988 elle a été éjectée lors des éliminatoires de l’Euro, En 1990, elle ne parvenait pas à se qualifier pour la coupe du monde en Italie. En 1992, les bleus ont été éliminés au 1er tour d’un Euro au vainqueur surprise. Pas de qualification non plus pour la World Cup américaine de 1994.

Ce n’est qu’en 1996 que cette équipe s’invite à nouveau dans le 2ème tour d’une compétition internationale… suivi du titre mondial en 1998, du sacre continental de 2000 et de la finale (la retraite de Zidane) en 2006.

Ces succès sont dues à la vision de Jean Fournet-Fayaard, alors président de la Fédération Française de Football. Il a restructuré (au sein des clubs) et financé les centres de formation (créés par Gérard Boulogne au début années 1970) tout en les évaluant annuellement. Ils avaient pour objectif de détecter les meilleurs dans leurs régions respectives. Cela a permis de se projeter sur le long terme. Aujourd’hui encore les centres de formation de l’Hexagone sont les meilleurs d’Europe.

Les partenariats techniques

Quand la Chine se préparait pour les Jeux olympiques 2008 qui se déroulaient chez elle à Pékin, elle s’est fixée comme objectif de glaner des succès dans toutes les disciplines, même celles dans lesquelles elle n’était pas reconnue. Afin d’atteindre ses objectifs, et de combler son retard (tout relatif), la Chine, cette hyper puissance, a débauché les meilleurs techniciens (athlétisme, escrime, etc.) pour arriver à ses fins. Le Tchad n’ayant pas les moyens de débaucher qui que ce soit, doit se rapprocher des fédérations reconnues dans les sports ciblés au préalable afin de faire profiter à ses sportifs des meilleurs conseils et practice. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Marlys Hourtou (mais à ses propres frais). Elle est allée s’installer à Lausanne en Suisse pour bénéficier des installations et des coachs mis à disposition par le CIO.

Cibler les sports à fort potentiel, se donner le temps, sillonner le pays à la recherche de pépites et nouer des partenariats techniques. Celui qui produira un plan de développement du sport tchadien en appliquant cette stratégie aura posé les jalons de l’avenir des sports au Tchad.

Chèrif ADOUDOU ARTINE