Dans cet entretien accordé à Le Sportif, le président du Comité Olympique et Sportif Tchadien (COST), Me Abakar Djermah Aumi a détaillé ses réalisations à la tête de cette institution. Il a évoqué également les raisons de son échec lors des élections de l’Union Africaine de Judo, sur la prochaine assemblée générale du Cost, les J.O de Paris 2024 et il a par ailleurs tracé les pistes de solutions pour faire décoller le football, bref le sport au Tchad. Entretien… 

Monsieur le président, en octobre 2017, vous étiez élu président du COST. En quatre ans de mandat, quelles sont les réalisations à mettre à votre actif ?

En quatre d’exercice, ce qu’il faut mettre à l’actif de l’équipe dirigeante, c’est l’ambition que nous avons de pouvoir répondre à l’exigence du sport d’une manière globale. Nous avons travaillé d’arrache-pied avec le département qui gère le sport pour permettre à ce que, à la fin du mandat, se concrétiser l’objectif qui est celui de pouvoir parvenir à faire signer des conventions d’objectifs entre les différentes fédérations sportives et le département ministériel qui vont permettre aux fédérations de se sentir impliquer et de prendre leurs responsabilités. Il faut aussi préciser une chose, nous avons aussi pris des initiatives très louables avec mon équipe, en mettant en place un mécanisme qui permet à un moment de l’année à ce que le sportif tchadien soit mis au devant de la scène. Nous avons aussi lancé ce qu’on a appelé « le mouvement sportif. » Cette activité nous a permis de juger chaque année, quelles sont les fédérations sportives existantes et quelles sont les disciplines sportives pratiquées au Tchad. C’était une initiative qui nous a permis en 2018 lors des jeux africains de la jeunesse en Algérie à ce que trois de nos fédérations parviennent à remporter des médailles. L’autre initiative qui est aujourd’hui très satisfaisante pour mon équipe, c’est la mise en place du soutien accordé au sportif de Haut Niveau et au sportif d’Elite. Nous avons également pu signer des conventions avec certains comités olympiques par exemple le comité olympique d’Espagne. Ce qui a permis aujourd’hui aux jeunes dans trois disciplines (football, gymnastique et karaté) à séjourner en Espagne et de pouvoir bénéficier d’un centre de haut niveau pour se préparer aux jeux olympiques de Paris 2024. Je pense qu’en quatre ans, mon équipe a fait beaucoup des innovations qui ont impacté énormément la vie du mouvement sportif tchadien.

Quels sont vos regrets ? 

Non ! Je n’ai pas de regret en tant que sportif. Dans le sport, il faut avoir la capacité de faire valoir le Fair-play. Si vous avez le regret, cela vous amène à ne pas ouvrir les yeux pour regarder qu’est-ce qui n’a pas marché. Personnellement, en tant que sportif, c’est ce que le Judo m’a appris depuis mon jeune âge. Là où, je n’ai pas réussi, j’apprends et je sais que tant que je vis, je vais continuer par apprendre.

Le 18 mai 2021, l’Union Africaine de Judo a tenu son assemblée générale élective dont vous étiez l’un des candidats au poste de la présidence de l’institution. Malheureusement, le résultat n’était pas favorable en votre faveur. Quelles leçons tirez-vous de cet échec et quelles sont vos futures visions et ambitions pour les prochaines échéances électorales ?

Nous étions partis avec un projet comportant trois axes fondamentaux dont le 2e est que l’union africaine de judo n’a pas de siège et cette absence de siège constitue un handicap administratif et technique. Sur cet axe, nous avons eu l’accord du feu maréchal du Tchad qui avait accepté d’accompagner notre candidature au nom du Tchad pour qu’une fois gagner ces élections, avoir le siège de l’Union Africaine de Judo (UAJ) à N’Djamena au Tchad. Si un tchadien devient le président de l’union africaine de judo, le Tchad va s’imposer sur le plan mondial et beaucoup de pays vont s’intéresser au Tchad. C’est cette logique qu’avaient les Etats à utiliser le sport comme un moyen diplomatique. Si nous avions perdu les élections, les premières analyses étaient, après le décès du maréchal, nos adversaires ont utilisé cette situation contre nous en disant que l’équipe menée par le Tchad a très bon projet et un leader qui est le maréchal et qui n’est plus donc ce projet ne peut s’appliquer. C’est la plus grande leçon que nous tirons des échecs de ces élections mais je ne suis pas de genre à abandonner. Aujourd’hui, nous sommes entrain de travailler, je vous rassure de manière très concrète pour que le Tchad soit candidat aux prochaines élections de l’UAJ si Dieu nous prête vie. Nous allons mettre en place une stratégie qui s’impose pour pouvoir gagner et honorer la mémoire du maréchal du Tchad. Je reste convaincu qu’aujourd’hui, c’est possible parce que l’équipe en face a intérêt à doubler beaucoup d’efforts parce qu’ils n’ont pas un programme, un projet solide sur ces quatre années à faire la différence. Il y a donc possibilité que c’est eux-mêmes qui feront la publicité et la campagne pour le Tchad aux prochaines élections.

Monsieur le président, Paris 2024 revient régulièrement dans vos réponses, c’est dire que vous seriez candidat à la prochaine assemblée générale du COST pour mieux préparer ces jeux olympiques ?

Le sport, c’est une continuité. Je vais être candidat et c’est inévitable. Je suis dans une logique de projet d’équipe et de projection tout en oubliant que je suis un être humain et que je peux mourir demain. Mais si j’ai un projet cohérent avec une équipe cohérente, même si je meurs, je sais que le projet va continuer. On développe le sport avec le long terme, du moyen terme à la limite. Il faut aller d’une projection sur 4, 8, 12, 16 et la meilleure projection d’un Etat, d’une fédération ou d’un comité olympique c’est sur 20ans. Et le minimum d’une projection dans le sport c’est quatre ans donc si je suis en 2021 et que je vous parle de 2024, c’est tout à fait logique.

Certaines fédérations sportives sont créées dans le but de donner une visibilité au mouvement sportif tchadien. Pratiquement sur le terrain, elles ne sont pas visibles. Comment entendez-vous résoudre ce problème ?

Effectivement, nous sommes entrain de travailler pour résoudre ce problème en symbiose avec le mouvement sportif tchadien et le ministère de la jeunesse, des sports et de la promotion de l’entreprenariat. La logique est très simple. Nous avons les textes en vigueur qui sont là ! Nous avons la Loi N°026 de la charte nationale du sport qui nous parle de la délégation de pouvoirs aux fédérations sportives. Dans cette partie, nous avons un décret de 2018 qui définit les conditions de délégation de pouvoirs aux fédérations sportives qui dit que « pour avoir la délégation de pouvoirs du ministère en charge des sports, vous devez soumettre une demande au ministère et dans la demande avoir les rapports d’activité de trois derrières années, le bilan des activités de trois derrières années et de faire une situation réelle de la pratique de votre discipline. Mais, lorsqu’un responsable de fédération, un dirigeant sportif qui sait que tous ces textes existent et qui ne fait rien dans sa fédération en disant que l’Etat n’a rien donné, c’est un paradoxe. Pour moi, ce qui est impératif aujourd’hui, c’est de dire que les textes existent et qu’il faut qu’on les mette en application pour pouvoir sortir notre sport de cette situation de léthargie. Nous sommes conscients de la situation que vous déplorez, nous sommes entrain de travailler en interne et je pense que d’ici la fin de l’année et au début 2022, il y aura énormément de changement dans le cas des fédérations qui n’existent que de noms.

Le sport tchadien bat de l’aile sur tout le plan. En tant que sportif et président du COST, quelles sont les solutions pour le redressement et le décollage du sport au Tchad ?

Si nous faisons des analyses, on ne pourra pas dire aujourd’hui que le sport tchadien bat de l’aile. En 2021, la fédération de Taekwondo a fait 2 médailles de bronze africain, c’est-à-dire qu’on a 2 jeunes tchadiens qui sont 3éme sur le continent africain. En 2020, le judo a fait une médaille de bronze sur le plan africain, en 2019, la lutte a fait également une médaille d’or aux jeux de la francophonie. Ne pensons pas que le sport tchadien égal au football. Pour moi, le sport tchadien se réveille. Les jeunes sont entrain de faire des efforts incroyables. Aux derniers jeux olympiques de Tokyo, le Tchad était parti en tant que pays qualifié, il y a des pays qui étaient partis en tant invités. Cela traduit que le sport tchadien est entrain de faire un travail exceptionnel. A un moment donné, je ne suis pas du tout d’accord à 100% que notre football bat de l’aile. Si on se demandait concrètement comment on a fait pour gagner la coupe CEMAC, on allait comprendre les raisons qui nous ont permis depuis l’indépendance en 1960 jusqu’à 2014 de gagner pour la première fois une coupe dans le domaine de football. Quand on échoue, on critique mais on va continuer par échouer parce qu’il faut aussi faire l’autocritique de la victoire pour savoir le pourquoi.

Vous avez un coup de cœur ou un coup de gueule ?

Je demande à toute la jeunesse tchadienne qui s’intéresse à la pratique sportive, qui a envie de devenir une image du Tchad sur le plan mondial, qu’il soit convaincu que ce rêve se réalise et cela est possible pour chaque jeune et chaque sportif tchadien. Tout ce que je demande, c’est qu’il faut s’autodiscipline et se dire que la personne qui va lui permettre de réussir dans le sport, c’est d’abord lui-même. S’il s’engage à réussir, il va réussir et nous allons toujours le pousser. Ma dernière phrase comme je le dis toujours, je n’ai pas peur de dire, en tant qu’athlète, je n’ai pas réussi mon rêve alors c’est mon devoir aujourd’hui en tant que président, dirigeant d’aider les jeunes sportifs tchadiens à réaliser leurs rêves et je vais retrouver mon rêve dans leurs rêves.

Propos recueillis par Jean Le Noir et Djimnayel Ngarlenan